Kep sur mer | Cambodia

|FR|  La première fois que j’ai mis le pied à Kep c’était il y a 22 ans, déjà. A l’époque il fallait entre six et huit heures de moto tout terrain pour faire les 130 kilomètres qui séparent Kep de la capitale, Phnom Penh. Ce qui dans un autre endroit au monde aurait été la station balnéaire idéale et la plus proche de la capitale pour passer un tranquille week end à la mer, était encore une véritable entreprise à réaliser. L’Avventura come disait Antonioni.
Huit heures de route était une bonne moyenne pendant la saison des pluies. Au bout de la route, face à la mer, là ou tout s’arrête, il y avait Kep, finalement. Oui, finalement.

Kep n’est pas une ville, même pas un village, non rien de tout ceci. Kep est seulement une corniche qui longe d’un coté la mer de Chine et de l’autre, une végétation tropicale abandonnée à elle même. Il n’y avait rien à Kep, absolument rien, même pas un centre ville, une rue avec un nom, une épicerie, un semblant de vie. Même pas un distributeur d’argent, une banque, un tabac, une pompe à essence mais juste quelques bouteilles en plastique remplies de gazoline couleur verte. Kep n’est qu’imagination, juste l’imagination comme les mirages du désert. Après tout c’est peut être ça le paradis, il faut le rêver, le sentir pour lui donner vie dans la tête. Kep est tout ceci et rien en même temps. Une route qui finit sur des arbres plongeant dans la mer. Les arbres à Kep se baignent chaque jours, oui comme ça, endormis pour toujours. Parfois passe un petit bateau de pécheurs de crabes et, et puis c’est tout.  Oui c’est tout. Un simple point sur une carte avec une route qui s’élance vers le vide et un silence total, parfois, assourdissant.
A l’époque, il n’y avait même pas l’électricité. Après six heures du soir c’était la nuit noire, impénétrable. Il ne restait que le silence de la mer. Jamais vu le noir de la nuit si noire qu’à Kep. Il n’y avait même pas de voitures avec des phares pour éclairer le tout. Non rien. On entendait seulement un vent invisible qui tournait dans les palmiers, un peu comme font les Derviches tourneurs. Plus loin encore, vers les montagnes recouvertes de jungle, on entendait les bruits sauvages des animaux, le plus souvent des babouins, des familles entières de babouins vivent ici. Ils vivent presque tous dans la maison du Roi, elle aussi abandonnée depuis fort longtemps. Des babouins –roi en quelque sorte. Et on remerciait les nuits de pleine lune pour adoucir nos yeux.
Il y avait un seul et unique endroit pour dormir : là bas, sur la colline, tout en haut de la colline, au beau milieu de rien. Un petit hôtel avec quelques chambres spartiates gérées par un français un peu perdu comme sont perdus si souvent les français. Il avait appelé l’endroit : « Le bout du monde ». Et c’était vraiment le bout du monde. Il mettait le générateur en marche jusqu’à dix heures du soir et puis après, plus rien, le silence et la nuit noire, si noire et si belle. Parfois le bruit des animaux lointains, mais pas si lointain que ça, avec l’espoir que ceux-ci ne viennent pas jusqu’à nous durant la nuit. C’était Kep il y a plus de vingt ans.

Mais Kep sur mer n’a pas toujours été comme ceci. Il fut un temps, au début des années 60 ou Kep était la Saint Tropez du Cambodge. Le Roi et la Reine possédaient une villa ou on organisait des fêtes somptueuses, pour ne pas dire royales avec la musique jouée par un orchestre, suspendus comme des funambules, à pic sur le golfe. Il y avait chaque jour un train qui partait de Phnom Penh avec comme terminus : Kep sur mer. Il y avait les villas des riches Phnompenhois, le tout construit dans le style Le Corbusier,  résidences d’été à l’avant-garde, un peu comme en Californie. C’était l’époque du “Lauréat” et de “Mrs Robinson”. Il y avait même, à quelques kilomètres de là, un casino. Le plus grand casino de toute l’Indochine, là, au sommet de la montagne, au frais.  On y chassait encore le tigre de l’Indochine mais qui se souvient qu’il existait dans ce temps là, une espèce qui portait ce nom : le tigre de l’Indochine ! On y avait construit un hôtel de luxe avec de la vaisselle en porcelaine et des verres de chez Baccarat. Il y avait Jackie Kennedy qui se baignait et on y dansait le twist comme sur la Cote d’Azur. Sur la plage, la jeunesse dorée de Phnom Penh  venait y faire le barbecue avec la guitare de Tom Jobim. Difficile aujourd’hui d’imaginer tout ceci et pourtant c’était comme ça.
Puis est arrivé la guerre. Une guerre terrible qui a durée 25 longues années. Trop pour Kep. Oui trop de guerre pour se rappeler comment c’était avant.
Il n’est rien resté de tout ceci, non rien. Juste quelques blocs de ciment des résidences de luxe désormais éparpillés dans la jungle. Juste quelques escaliers qui dansent encore dans le vide et c’est tout. Il ne reste que la corniche qui continue imperturbable à zigzaguer entre la mer de Chine et la montagne.
Il n’est resté que le silence de la mer. Pour toujours.

Les années sont passées et je continue toujours à venir à Kep, non avec nostalgie mais comme lorsqu’on se souvient de son premier amour. Aujourd’hui Kep à changé, un peu, en plus moderne, plus civilisé mais il reste l’atmosphère d’être dans un endroit en dehors du monde, de Notre monde. Il y a toujours son marché aux crabes qui chaque matin à 6 heures commence et recommence inlassablement. Welcome to Kep dit le crabe au beau milieu de la mer. Oui, welcome to Kep.
Texte Nicolas Pascarel

|IT|  La prima volta che ho messo piede a Kep è stato ventidue anni fa, già. All’epoca ci volevano tra le otto e dieci ore di moto cross per fare i 130 chilometri che separano Kep della capitale, Phnom Penh. Quella che in un altro posto nel mondo sarebbe stata la località balneare più vicina alla capitale, ideale per passare un tranquillo week end al mare, era invece una vera impresa da raggiungere; l’Avventura, come avrebbe detto Antonioni.
Otto ore era la media buona durante la stagione delle piogge, il famoso monsone del sud est asiatico. Alla fine della strada, di fronte al mare, là dove non c’è più nulla, c’era Kep, finalmente.

Kep non è una città, nemmeno un paese, no, nulla di tutto ciò. Kep è solo una corniche* che fa zigzag tra il mare di Cina e la vegetazione abbandonata a sé stessa per tanto tempo. Non c’era nulla a Kep, proprio nulla, neanche un centro, una via con un nome, un negozio o chissà cosa. Neanche una banca, un tabaccaio, una pompa di benzina ma solo bottiglie di plastica riempite di gasolina colore verde. Kep era solo immaginazione, tutta immaginazione, come un miraggio nel deserto. E forse è proprio questo il paradiso, lo devi sognare, sentire, per renderlo vivo nella mente. Kep era tutto questo. Una strada che finisce sui tanti alberi immersi nel suo mare. Gli alberi a Kep si fanno il bagno ogni giorno, sì, cosi, addormentati per sempre. A volte passa una barca di pescatori di granchi e basta. Kep era una semplice meta verso il vuoto con un silenzio totale, spesso assordante e a volte anche angosciante.

All’epoca non c’era neppure l’elettricità. Dopo le sei di sera, era notte fonda e rimaneva solo il silenzio del mare. Mai visto il nero della notte così scuro come a Kep. Allora non c’erano neanche le automobili e nessun faro a illuminare la notte. Si sentiva solo il vento invisibile che girava tra le palme, come fanno i Derviches tourneurs. Più lontano ancora, verso le montagne ricoperte dalla giungla, si sentivano i versi degli animali selvatici, spesso babbuini: intere famiglie di babbuini vivono lì. Vivono quasi tutti nella casa del Re, pure lei abbandonata da molto tempo. Babbuini-Re insomma. E si ringraziava la notte di luna piena per ammorbidire gli occhi.
C’era solo un unico posto per dormire, lì, sulle colline, molto in alto, nel bel mezzo di nulla: un piccolo albergo di poche stanze scomode gestito da un francese un po’ perso come sono spesso persi i francesi. Aveva chiamato quel posto “Le bout du monde”, e infatti era veramente la fine del mondo. Metteva il generatore in funzione fino alle 10 di sera e poi, dopo, nulla: silenzio e buio, solo il rumore degli animali in lontananza ma non troppo lontano, e la speranza che nessuno di loro si avvicinasse a noi durante la notte. Questa era Kep. Ventidue anni anni fa.
Ma Kep sur mer non è stata sempre così. All’inizio degli anni ’60, Kep era la Saint Tropez della Cambogia. Il Re e la Regina possedevano lì una villa dove si organizzavano feste grandiose, con la musica suonata dal vivo dall’orchestra sospesa, come un gruppo di funambuli, a picco sull’intero golfo. C’era, ogni giorno, un treno che partiva da Phnom Penh e aveva come terminal Kep sur mer. C’erano le ville dei ricchi cambogiani della capitale, costruite in stile Le Corbusier: residenze ultra moderne e sontuose dove trascorrere l’estate, un po’ come in California. Era l’epoca del “Laureato” con sotto fondo “Mrs Robinson”. C’era pure un casinò, il più grande di tutta l’Indocina in cima alla montagna, al fresco. Un casinò e un albergo di lusso, con il vasellame in porcellana e bicchieri di Baccarat. Si cacciava la tigre dell’Indocina, ma chi si ricorda ancora che esisteva una specie di tigre che si chiamava proprio così: la tigre dell’Indocina! C’era Jackie Kennedy e Peter O’Toole che facevano il bagno. Si ballava il twist come in Costa Azzurra e sulla spiaggia la gioventù dorata di Phnom Penh faceva il barbecue con la chitarra di Tom Jobim. Difficile oggi immaginare tutto ciò e invece era proprio così!
Poi è arrivata la guerra. Una guerra terribile durata 30 lunghi anni, troppo per Kep. Sì, troppo per ricordare com’era. Non è rimasto niente di tutto ciò. Solo blocchi di cemento sparsi nella giungla e alcune antiche scale che ballano nel vuoto. È rimasta solo la corniche che continua a zigzagare tra il mare di Cina e le colline. È rimasto solo il silenzio del mare. Per sempre.

Gli anni sono ormai passati e sono sempre tornato a Kep, non con la nostalgia, ma con gli occhi del primo amore. Oggi Kep è di nuovo cambiata, ha preso il gusto kitsch e l’abbondanza dei recenti investimenti cinesi però rimane l’atmosfera, unica, quell’essere un posto decisamente fuori dal mondo. C’è sempre il suo mercato dei granchi che suona ogni alba alle sei.
Welcome to Kep, dice il granchio in mezzo al mare. Sì, welcome to Kep.

* la corniche è una serpentina sul mare

Testo Nicolas Pascarel
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© Nicolas Pascarel 2017